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Solutions à la crise climatique

Solutions à la crise climatique

La troisième partie du dernier rapport du GIEC, « Atténuation du changement climatique », s’intéresse aux réponses au changement climatique qui impliquent une réduction des émissions de gaz à effet de serre et de l’influence humaine sur le climat.

Cette partie du rapport, rédigée par le Groupe de travail III du GIEC, a été publiée en avril 2022. Elle examine les moyens de réduire les émissions et d’éliminer le CO2 de l’atmosphère dans différents secteurs d’activité humaine, comme l’énergie, les transports, le bâtiment, l’industrie, la gestion des déchets, l’agriculture et la foresterie. Elle adopte à la fois une perspective à court et long terme, en analysant notamment la faisabilité technique, le coût et les compromis. Ici, nous avons vu des moyens de réduire les émissions dans notre article d’explication du budget carbone.

Le rapport propose une vision pour un avenir vivable plus sûr, tout en indiquant très clairement que nous ne sommes toujours pas sur le bon chemin et que nombre d’obstacles nous attendent.

Qu’apprenons-nous dans ce rapport ?

Les rapports du GIEC résument la recherche disponible au sujet du changement climatique (pour en savoir plus sur le processus, cliquez ici). Ainsi, nous pouvons constater l’évolution du domaine depuis le dernier rapport (AR5), publié en 2014, et identifier les nouvelles tendances. Par exemple, selon Zero Carbon Analytics, pour la première fois dans l’histoire du GIEC, ce rapport comprend des chapitres dédiés à la technologie, l’innovation et les mesures qui concernent la demande. Vous pouvez lire l’article complet sur le site Internet de Zero Carbon Analytics.

Ce rapport a examiné de nombreux scénarios et différentes options pour notre avenir commun avant de conclure qu’un scénario en particulier, le « SSP1-1.9 », permettait de réduire nos émissions rapidement et de façon équitable. Il constitue la meilleure chance d’un avenir vivable pour la majorité de la planète. Nous devons concentrer nos efforts sur une transition rapide vers des énergies renouvelables afin d’électrifier une grande partie de l’infrastructure sociétale (dont nos logements, nos villes, nos transports). Un réseau électrique vert, c’est la première étape. Les nouvelles infrastructures d’énergies fossiles n’ont donc plus leur place. En effet, d’après le rapport, les infrastructures existantes à elles seules nous feront dépasser l’objectif ambitieux de l’Accord de Paris : la limite de 1,5°C celles-ci devraient être multipliées par 20.

Explication du GIEC : Stopper le changement climatique par John Lang/eciu

Conséquences climatiques et adaptation

Conséquences climatiques et adaptation

La deuxième partie du dernier rapport du GIEC, « Conséquences, adaptation et vulnérabilité », évalue les conséquences du changement climatique et les possibilités d’adaptation du monde naturel et des sociétés humaines.

Cette partie du rapport, rédigée par le Groupe de travail II du GIEC, a été publiée en février 2022. Elle s’intéresse aux écosystèmes, à la biodiversité et aux communautés humaines à l’échelle mondiale et régionale. Elle suit et évalue les différentes conséquences du changement climatique et les vulnérabilités. Nous avons couvert certains exemples de ces conséquences dans un autre article d’explication.

Le rapport conclut qu’il est désormais sans équivoque que « le changement climatique menace le bien-être humain et la santé planétaire » et que « si nous tardons encore à adopter une action mondiale concertée pour anticiper l’adaptation et l’atténuation, nous manquerons la fenêtre d’opportunité pour garantir un avenir vivable qui est courte et se referme rapidement ».

Qu’apprenons-nous dans ce rapport ?

Les rapports du GIEC résument la recherche disponible au sujet du changement climatique (pour en savoir plus sur le processus, cliquez ici). Ainsi, nous pouvons constater l’évolution du domaine depuis le dernier rapport (AR5), publié en 2014, et identifier les nouvelles tendances. Par exemple, selon Zero Carbon Analytics, ce rapport intègre davantage de données issues des sciences économique et sociale et souligne le rôle décisif de la justice sociale dans l’adaptation au changement climatique. Vous pouvez lire l’article complet sur le site Internet de Zero Carbon Analytics.

Parmi les autres observations importantes figure la meilleure compréhension des phénomènes météorologiques extrêmes : lesquels sont accentués par le changement climatique et de quelle façon. Nous la devons au progrès de la « science de l’attribution » dans le domaine académique. Ce rapport a par ailleurs montré qu’il existait des limites maximales d’adaptation. La capacité d’adaptation de certains écosystèmes et communautés n’est pas infinie ; passé un certain point, ils seront méconnaissables et incapables de s’épanouir. Il examine aussi en profondeur le concept de maladaptation. C’est l’idée que si l’adaptation aux conséquences du réchauffement n’est pas collaborative ni précédée d’une réflexion, elle risque de renforcer les inégalités sociétales et de nous enfermer dans les mauvais choix qui alimentent déjà la crise climatique et la perte de biodiversité.

Explication du GIEC : Impacts, adaptation et vulnérabilité par John Lang/eciu

Les bases scientifiques physiques du changement climatique

Les bases scientifiques physiques du changement climatique

La première partie du dernier rapport du GIEC, « Les bases scientifiques physiques », décrit le système climatique et les perturbations d’origine humaine qu’il subit.

Cette partie du rapport, rédigée par le Groupe de travail I du GIEC, a été publiée en août 2021. Elle analyse les bases physiques du changement climatique passé, présent et futur, à l’aide de 14 000 articles publiés. Le rapport conclut qu’il est « sans équivoque » que l’humanité est responsable du réchauffement planétaire et que nous continuons d’accentuer ces changements.

Qu’apprenons-nous dans ce rapport ?

Les rapports du GIEC résument la recherche disponible au sujet du changement climatique (pour en savoir plus sur le processus, cliquez ici). Ainsi, nous pouvons constater l’évolution du domaine depuis le dernier rapport (AR5), publié en 2014, et suivre les nouvelles tendances. C’est exactement ce qu’a fait Zero Carbon Analytics à l’aide de sources publiées en amont de la parution du premier rapport de l’AR6.

Par exemple, selon ses calculs, nous avons émis près de 300 milliards de tonnes de CO2 supplémentaires depuis l’AR5. Nous nous rapprochons donc de la limite de température fixée par l’Accord de Paris. En effet, dans son rapport spécial de 2018, le GIEC prévoyait qu’en maintenant notre trajectoire, nous dépasserions la limite de 1,5 °C entre 2030 et 2052. Vous pouvez lire l’article complet sur le site Internet de Zero Carbon Analytics.

Parmi les autres conclusions clés figurent la nécessité de réduire rapidement nos émissions de méthane, en plus de nos émissions de carbone, et la progression rapide de la « science de l’attribution », qui nous permet de relier le réchauffement planétaire aux évolutions du système climatique terrestre. L’humanité laisse des traces partout.

IPCC Explainer: The Science of Climate Change by John Lang/eciu

Comment utilisons-nous les combustibles fossiles ?

Comment utilisons-nous les combustibles fossiles ?

Nous devons le développement de notre industrie au charbon, au pétrole et au gaz. Nous leur devons aussi le changement climatique rapide.

Le charbon, le pétrole et le gaz sont appelés combustibles fossiles, car ils proviennent des restes de plantes et d’animaux disparus, mais sont conservés dans la croûte terrestre. Par essence, ils correspondent à l’énergie du soleil captée par les plantes grâce à la photosynthèse, puis emprisonnée dans des composés de carbone Dès la découverte du charbon par les premiers humains, les combustibles fossiles ont servi de source de lumière, de chaleur et enfin, d’électricité. Ils sont bien plus denses en énergie, c’est-à-dire qu’ils contiennent davantage d’énergie par unité de masse, que le bois, par exemple. Par ailleurs, ils se stockent, se transportent et s’utilisent facilement.

Au fur et à mesure de l’avancée des connaissances en physique et en chimie, nous avons découvert de plus en plus de moyens de transformer ces combustibles fossiles en énergie pour nos logements, nos transports ou notre industrie, mais aussi en produits chimiques bien pratiques. Néanmoins, vers la fin du vingtième siècle, nous avons également appris que l’utilisation de combustibles fossiles et le rejet de dioxyde de carbone ancien dans l’atmosphère perturbaient le système climatique. Ainsi, nous avons découvert une cause du réchauffement planétaire et d’autres symptômes du changement climatique rapide. Celui-ci était, et est encore, en grande partie causé par les combustibles fossiles, car la majorité des émissions de CO2 proviennent de la combustion du charbon, du pétrole ou du gaz. C’est pourquoi il est aussi capital de nous débarrasser de notre addiction à ces combustibles pour résoudre ce problème. En 2021, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a soutenu les conclusions du GIEC : ne plus construire de nouvelles infrastructures pour les combustibles fossiles est une stratégie clé pour ne pas dépasser les limites de sécurité d’augmentation de la température mondiale.

Nos économies intenses en combustibles fossiles génèrent aussi de la pollution localement, chaque fois qu’ils sont utilisés : les déversements de pétrole et les déchets miniers empoisonnent l’eau et les sols, le méthane fuit des gazoducs, les émissions d’oxyde d’azote issues de la combustion contribuent au smog et aux pluies acides, tandis que les particules fines nuisent aux poumons et entraînent des décès prématurés. Le problème des énergies fossiles ne concerne donc pas que leurs effets à long terme sur le système climatique, mais aussi leurs conséquences plus immédiates et tangibles pour la nature et les humains.

Heureusement, grâce aux progrès en physique et en chimie, nous découvrons de nouvelles façons de produire de l’énergie, qui n’impliquent pas ces ressources fossiles non renouvelables qui réchauffent et polluent la Terre. Les sources d’énergies renouvelables, comme l’éolien et le solaire, deviennent progressivement plus accessibles. Aussi, des solutions à faibles émissions de carbone, voire à émissions nulles, peuvent aujourd’hui remplacer les combustibles fossiles.

Où utilisons-nous le pétrole et ses dérivés ?

Stéphane M. Grueso

Pour commencer, le kérosène produit à partir du pétrole a été commercialisé au dix-neuvième siècle pour remplacer l’huile de baleine dans les lampes. Or, l’humanité s’est rapidement rendu compte qu’elle pouvait employer d’autres dérivés du pétrole denses en énergie, comme le gazole ou l’essence, dans les moteurs à combustion interne, en particulier dans le secteur des transports. Comme ils sont liquides, ces carburants étaient plus simples à utiliser que les solides (comme le charbon) ou les gaz. Une solution idéale, donc, pour les véhicules. Leur densité en énergie les rendait particulièrement adaptés aux voitures, car ils leur permettaient d’être plus légères et de voyager sur de plus longues distances. Ainsi, les dérivés du pétrole ont rapidement dominé le secteur des transports. Aujourd’hui, nous constatons des efforts pour décarboner ce secteur. La technologie des batteries a notamment progressé, entraînant une chute drastique de leur coût et d’importants projets de construction d’infrastructures pour les véhicules électriques. De nouvelles approches pour les carburants des avions, des bateaux et des poids lourds apparaissent.

Certains dérivés du pétrole sont également employés pour produire de la chaleur et de l’électricité, mais ces pratiques changent. En effet, on observe une diminution constante de leur part dans la génération d’électricité, qui atteint désormaismoins de 3%, selon l’AIE. Les défis du secteur des transports seront difficiles à résoudre, mais nous disposons déjà de beaucoup de moyens de générer de la chaleur et de l’électricité qui sont bien meilleurs et plus propres que les combustibles fossiles.

En dehors des transports, du chauffage et de l’énergie, un éventail de processus de raffinage du pétrole ont fait naître une famille entière de produits : les produits pétrochimiques. Ils interviennent largement dans la production des plastiques, des fibres et de la gomme synthétique, mais aussi de multiples produits chimiques industriels, comme les solvants, les détergents et les teintures. Leur production représente environ 12 % de la demande mondiale de pétrole, selon l’AIE. Les produits pétrochimiques se retrouvent dans des objets du quotidien, comme les vêtements ou les emballages, mais aussi « dans de nombreuses parties du système énergétique moderne, notamment les panneaux solaires, les pales d’éoliennes, les batteries, l’isolation thermique des bâtiments et les pièces des véhicules électriques ». Les chercheurs s’efforcent déjà de trouver des alternatives plus propres à ces dérivés du pétrole. Néanmoins, il est possible de réduire fortement leur empreinte environnementale en améliorant le recyclage et la gestion des déchets, l’efficacité énergétique et la lutte contre la pollution.

Où utilisons-nous le charbon ?

D’après l’AIE, le charbon est la source d’énergie la plus utilisée au monde pour générer de l’électricité. C’est aussi la source la plus importante d’émissions de CO2. Selon le GIEC, pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, nous devons arrêter de faire brûler du charbon sans capturer les émissions qui en découlent. Or, ces technologies ne sont pas encore disponibles à grande échelle. Lors des dernières Conférences des Nations unies sur les changements climatiques, les échanges sur la suppression progressive du charbon et l’exploitation de l’élan sans précédent en faveur des énergies renouvelables ont fait apparaître un changement d’attitude sur le sujet. Par ailleurs, de la production aux centrales au charbon en passant par le transport, ce combustible constitue une source majeure de pollution dangereuse de l’air. Ainsi, en l’abandonnant, nous observerons d’importants effets positifs sur notre santé.

Les secteurs de l’acier et du ciment utilisent du charbon pour produire l’énergie nécessaire à leurs processus de production, qui doivent maintenir des températures vraiment élevées (plus de 1 000 °C).. L’électrification de ce genre de processus industriels n’est pas simple, voire parfois impossible. Il est donc probable que des carburants neutres en carbone, comme les biocarburants ou l’hydrogène produit à partir d’électricité renouvelable, soient développés précisément pour ces utilisations.

Le charbon peut être aussi converti en « syngas », un gaz de synthèse issu d’un mélange de monoxyde de carbone et d’hydrogène. Il permet de produire du carburant synthétique liquide. Bien que leur combustion soit plus propre, le charbon reste leur ressource principale. Il s’agit donc encore de carburants fondés sur une ressource carbone finie. Si nécessaire, il est également possible de créer d’autres carburants synthétiques « plus verts » en abandonnant le charbon ; par exemple, pour remplacer les dérivés du pétrole dans le transport maritime ou aérien. De même, nous pouvons produire l’hydrogène qu’il nous faut à l’aide d’énergies renouvelables, et ainsi remplacer l’hydrogène « noir » ou « brun » issu du charbon.

Où utilisons-nous le gaz ?

Le gaz est un mélange d’hydrocarbures principalement constitué de méthane, le gaz à effet de serre le plus puissant après le CO2. L’empreinte carbone du gaz inclut donc les émissions de CO2 quand il est brûlé pour produire de la chaleur ou de l’électricité, mais aussi les fuites de méthane des gazoducs ou d’autres infrastructures. Le secteur et les gouvernements qui encouragent son utilisation soutiennent que le gaz est une énergie propre. Or, il peut s’avérer tout aussi mauvais que le charbon pour le climat, car il est souvent envoyé à l’étranger sous forme liquéfiée et des fuites de méthane sont relevées à chaque stade du processus.

Le gaz est employé dans la génération d’électricité et les processus industriels, pour produire du ciment par exemple. Dans nombre de pays de l’hémisphère nord, la cuisine se fait encore au gaz, même si des alternatives électriques plus rapides et efficaces existent. De récents travaux de recherche ont mis en évidence que l’utilisation de plaques de cuisson au gaz nuit à la santé humaine. Selon une estimation, 1 % du gaz utilisé par les plaques fuit. Le méthane non brûlé produit des particules fines qui irritent les poumons et les voies aériennes. La limite d’exposition aux émissions de protoxyde d’azote peut également être dépassée.

Tout comme le pétrole, le gaz entre dans la composition de certains produits chimiques, d’engrais azotés et de l’hydrogène « bleu ». L’apparition de nouvelles technologies, comme l’ammoniac vert produit à partir d’énergies renouvelables, ouvre la voie au sevrage du gaz pour l’industrie chimique. En décarbonant la production d’engrais, nous réduirons nos émissions. Notre système alimentaire et les prix des aliments seront aussi certainement moins sensibles au prix des combustibles fossiles.

Ressources utiles

  • Le Secrétaire général des Nations unies présente cinq actions essentielles que le monde doit privilégier dès maintenant pour transformer nos systèmes énergétiques et accélérer le passage aux énergies renouvelables
  • Un reportage de la BBC évoque l’appel du secrétaire général en faveur d’une taxe sur les bénéfices tirés des combustibles fossiles

Conséquences du changement climatique : études de cas

Conséquences du changement climatique : études de cas

Le changement climatique ne se résume pas qu’à des données et des tendances. Il engendre aussi des conséquences majeures pour le bien-être de l’humanité et de la planète.

Dans son dernier rapport sur les conséquences et l’adaptation, le GIEC affirme que le changement climatique d’origine humaine « a entraîné des répercussions néfastes et généralisées, qui s’accompagnent de pertes et dommages pour la nature et les humains et qui dépassent la variabilité naturelle du climat ». Certaines de ces conséquences interviennent lentement et discrètement, comme les tendances à long terme des températures et précipitations ou d’autres variables climatiques. Nous les relevons aussi dans l’évolution des écosystèmes, quand les plantes et les animaux changent d’habitat ou même, disparaissent.

Les conséquences se matérialisent aussi sous la forme de phénomènes météorologiques extrêmes, que les scientifiques sont aujourd’hui en mesure de relier ou d’attribuer au changement climatique.. Les vagues de froid, les pluies torrentielles, les vagues de chaleur… Ces extrêmes aux graves répercussions ont une probabilité plutôt faible et ont toujours figuré dans les variations climatiques naturelles. Cependant, par leur influence sur le système climatique, les êtres humains perturbent l’équilibre : la probabilité de ces événements s’accroît tandis que la gravité de leurs conséquences s’intensifie. Pour le GIEC, cela « dépasse la variabilité naturelle du climat ».

Grâce à l’ingéniosité et la résilience humaines, de nombreuses communautés ont trouvé des moyens de s’adapter aux graves conséquences climatiques sur le long terme, en réduisant au maximum l’ampleur des ravages. Toutefois, nous ne pourrons jamais nous adapter à certaines conséquences et les pertes qui en découlent sont souvent irréversibles. Plus nous retardons la prise de mesures significatives pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, plus nous réduisons notre capacité d’adaptation. En effet, certaines solutions qui auraient pu fonctionner plus tôt, à des niveaux de réchauffement moins élevés, seront bientôt impossibles à mettre en œuvre. Les coûts croissants jouent aussi un rôle, sans oublier la réduction de notre capacité d’adaptation : la faculté de récupération des êtres vivants et des communautés touchés par des conséquences nombreuses et fréquentes s’amenuise.

Dans cette analyse approfondie, nous allons nous intéresser à des cas récents de chaleurs extrêmes, d’inondations ou de sécheresses pour lesquels des scientifiques du climat du projet World Weather Attribution (WWA) ont pu identifier et quantifier les liens avec le changement climatique.

Terres émergées et océans soumis à des chaleurs extrêmes

Alisdare Hickson / Flickr

Au printemps et à l’été 2022, des températures anormalement élevées ont été relevées dans de nombreuses régions du monde. D’abord, l’Inde et le Pakistan, ainsi qu’une grande partie de l’Asie du Sud, ont connu une vague de chaleur à la probabilité 30 fois plus élevée à cause du changement climatique, d’après les calculs du WWA.. Selon les scientifiques, la survenue de vagues de chaleur avant la mousson n’est pas inhabituelle, mais des précipitations bien plus faibles que la normale ont aggravé la situation. Les conséquences sur la santé publique et l’agriculture ont été désastreuses. À celles-ci se sont ajoutés des risques non climatiques, telle la pénurie de charbon qui a entraîné des coupures de courant en Inde. Pour le reste du monde, les implications étaient importantes, car les récoltes de blé plus faibles n’ont pas permis à cette région de compenser les effets de la guerre en Ukraine sur l’offre mondiale.

Plus tard au cours de l’année 2022, les vagues de chaleur estivales en Europe ont fortement perturbé la vie de la population et l’activité économique. En France, la chaleur exceptionnelle a posé problème dans les centrales nucléaires. Le Royaume-Uni, quant à lui, a pour la première fois enregistré des températures supérieures à 40 °C. D’après les conclusions d’une analyse du WWA, cet événement aurait été extrêmement peu probable sans changement climatique provoqué par l’activité humaine.

Lorsqu’elles se produisent dans les océans, les chaleurs extrêmes peuvent être tout aussi dangereuses que sur les terres émergées. Quand les eaux de surface enregistrent des températures anormalement élevées pendant des périodes prolongées, on parle de vagues de chaleur marines. Leur fréquence et leur intensité ont été multipliées par plus de vingt à cause du changement climatique, selon une étude de 2020.. Elle a également montré que six des sept vagues de chaleur marines aux conséquences les plus graves depuis 1981 pouvaient être reliées au réchauffement d’origine humaine.

Inondations : pluies extrêmes et tempêtes tropicales

Bärwinkel,Klaus, CC BY-SA 4.0

En janvier et février 2022, la République de Madagascar, le Mozambique, le Malawi et le Zimbabwe ont été touchés par une série de tempêtes tropicales, notamment trois suffisamment fortes pour être qualifiées de cyclones tropicaux. Ces tempêtes ont fait des morts et des blessés ainsi que d’importants dommages matériels. Les conséquences à long terme pour le bien-être des communautés locales à la vulnérabilité élevée ne sont pas encore pleinement connues. L’équipe du WWA a pu montrer que le changement climatique avait entraîné une hausse de la probabilité et de l’intensité des précipitations associées à deux de ces tempêtes, la tempête tropicale Ana et le cyclone tropical Batsirai.

En 2021, deux jours de niveaux de précipitations très élevés sont venus s’ajouter à des conditions déjà humides et d’autres facteurs locaux pour provoquer de graves inondations en Allemagne et d’autres parties d’Europe occidentale. Plus de deux cents personnes y ont laissé la vie. Des centaines, voire des milliers, d’autres ont vu leur logement et les infrastructures de transport endommagés. Elles n’ont souvent pas pu être évacuées ni avoir accès à la réponse d’urgence. Bien qu’il soit difficile de détecter les tendances locales de précipitations et de quantifier l’augmentation de la probabilité de ces événements due au changement climatique, l’étude du WWA a clairement établi la tendance à la hausse en Europe occidentale.

Sécheresses et pénuries d’eau

Les faibles niveaux de précipitations dus à la sécheresse peuvent se révéler tout aussi dévastateurs que les tempêtes ou les inondations. À l’été 2022, les pénuries d’eau, les incendies et les pertes de récoltes qui ont touché l’hémisphère nord résultaient à la fois des températures élevées mentionnées plus haut, mais aussi des taux de précipitations exceptionnellement faibles. La sécheresse des sols était particulièrement flagrante en Europe et en Chine continentale . L’analyse du WWA a montré que la responsabilité incombait davantage aux températures plus élevées qu’aux faibles taux de précipitations. Ainsi, plus le climat se réchauffe, plus nos systèmes agricoles et énergétiques seront probablement confrontés à ces deux risques combinés.

Ressources utiles

  • Une vidéo de l’AFP sur les impacts et les personnes déplacées
  • Friederike Otto, auteur du GIEC et scientifique de la World Weather Attribution (WWA), explique comment les chercheurs établissent un lien entre les phénomènes météorologiques extrêmes et le changement climatique dans une vidéo de 2 minutes

L’élimination du dioxyde de carbone, qu’est-ce que c’est ?

L’élimination du dioxyde de carbone, qu’est-ce que c’est ?

Pour éviter des niveaux de réchauffement dangereux, nous devons réduire nos émissions rapidement et en profondeur. Or, comme nous retardons la mise en place de mesures depuis des décennies, la réduction des émissions pourrait ne plus suffire.

La réponse mondiale au problème du changement climatique dépend à la fois de nos choix politiques et économiques et des contraintes physiques du système climatique, notamment de l’effet de serre lui-même. Tant que nous émettrons du dioxyde de carbone et d’autres gaz à effet de serre dans l’atmosphère, nous renforcerons la pression sur le climat tout en réduisant la liste des choix politiques possibles. Comme nous l’avons vu dans l’article d’explication du budget carbone [explainer on carbon budgets] (link)nous ne pouvons émettre qu’une quantité finie de GES avant de dépasser les limites de sécurité de l’augmentation de température. Si nous dépassons ce budget, les générations actuelles et futures devront certainement payer l’addition : différentes conséquences sur le climat. [various climate impacts] (link).

La physique derrière ce problème offre aussi des solutions potentielles. Ainsi, si le CO2 rejeté dans l’atmosphère par les centrales ou les transports réchauffe la planète, alors l’enlever peut compenser, limiter, ou même inverser, l’augmentation des températures. C’est l’idée appliquée par les technologies d’élimination du dioxyde de carbone (CDR). Aujourd’hui, après des années de progrès insuffisants en matière de changement climatique, cette solution potentielle intéresse de plus en plus.

Actuellement, la CDR figure dans de nombreux plans et promesses de « neutralité carbone » qui permettraient d’annuler certaines émissions de gaz à effet de serre passées ou futures en les compensant par des éliminations, souvent à un autre endroit. Elle intervient aussi dans les « scénarios de dépassement » qui prévoient un dépassement temporaire des limites de température de l’Accord de Paris, à cause d’une réduction trop lente des émissions. Dans ces cas de figure, la CDR nous permet de revenir dans la « zone de sécurité » plus tard dans le siècle, en rendant toutes nos émissions de CO2 négatives grâce à une élimination supérieure à nos émissions.

Est-il réellement possible de prélever le CO2 dans l’atmosphère ?

Adam Cohn

Non seulement l’extraction du dioxyde de carbone est possible, mais elle a, en un sens, toujours été une réalité. Actuellement, on s’intéresse à plusieurs types de CDR, selon les mécanismes chimiques utilisés pour capturer le gaz à effet de serre en question et le mode de stockage du dioxyde de carbone. La photosynthèse est l’un de ces mécanismes. C’est le processus naturel qui permet aux plantes et à certaines bactéries de convertir l’eau, l’énergie lumineuse et le dioxyde de carbone en énergie chimique, tout en rejetant de l’oxygène. Grâce à la photosynthèse, l’atmosphère de la Terre contient suffisamment d’oxygène pour permettre à des formes de vies complexes, comme les êtres humains, d’exister. C’est aussi de cette façon que les organismes vivants se transforment en puits de carbone : ils capturent et stockent plus de la moitié de toutes les émissions de CO2 provenant de l’activité humaine actuelle.

Les scientifiques ont pris en compte ces puits de carbone naturels dans leurs modélisations. Toutefois, une véritable méthode CDR est un processus intentionnel qui complète l’action de la nature. Nous ne pouvons donc pas considérer les plantes de la Terre entière comme un projet CDR géant sur lequel nous appuyer. Il nous faudrait plutôt planter et entretenir intentionnellement les forêts à l’intérieur des terres et dans les zones côtières, enrichir les sols et cultiver des plantes pour produire des biocarburants (puis capturer le CO2 dégagé par leur combustion).

Si les plantes ont recours à la chimie pour capturer le CO2, alors nous pouvons aussi le faire. Par exemple, en exposant certains solvants ou sorbants à l’air, ils se lient au CO2, puis l’absorbent, un peu comme une éponge. Il est ensuite possible d’extraire le CO2 et de réutiliser le produit chimique d’origine. Ce processus s’appelle le captage direct du CO2 dans l’air (DAC). Le CO2 ainsi capturé est stocké quelque part pour s’assurer de l’enlever complètement de l’atmosphère, et donc de ne pas l’émettre à nouveau. Le DAC fait intervenir des solides et des liquides, mais aussi quelques méthodes innovantes moins abouties pour éliminer le CO2 de l’atmosphère.

L’érosion, ou la détérioration progressive des pierres et des minéraux au contact de l’air, de l’eau ou d’organismes vivants, est un autre processus naturel qui affecte déjà le monde qui nous entoure. Nous pouvons l’utiliser intentionnellement pour lutter contre le changement climatique. Certains mécanismes chimiques d’érosion font intervenir le CO2 contenu dans l’atmosphère. Nous pouvons délibérément accentuer ce phénomène en accélérant les réactions, en répandant du basalte finement moulu sur les surfaces par exemple. Néanmoins, encore une fois, ces mécanismes ne peuvent être considérés comme CDR qu’à condition d’être intentionnels et que le CO2 soit bel et bien capturé.

La CDR peut-elle résoudre notre problème climatique ?

Même si le fondement chimique des différents types de CDR paraît solide sur le papier, ils n’ont pas été simples à mettre en pratique pour l’instant. Les processus de captage direct du CO2 dans l’air et l’érosion accélérée peuvent se révéler énergivores et peu efficaces. Actuellement, il est tellement cher de capturer le CO2 avec ces méthodes, que poursuivre ces projets n’a guère de sens sur le plan économique. Cela s’explique notamment par le fait qu’à la différence des énergies renouvelables, ces technologies n’en sont encore qu’à leurs débuts.

Quand il s’agit de CDR biologique, les plantes perfectionnent la photosynthèse depuis des millions d’années. Cette « technologie » naturelle est donc plutôt mature. Toutefois, la CDR biologique qui utilise les forêts plantées par des êtres humains peut s’accompagner d’importantes conséquences pour la sécurité alimentaire, la biodiversité et les droits fonciers. En outre, bien qu’elle soit moins coûteuse que la CDR chimique, l’envergure actuelle de notre influence sur le climat la rend impossible à compenser uniquement par la CDR biologique. Encore une fois, les contraintes physiques jouent ici : pour notre niveau actuel d’émissions de gaz à effet de serre, il n’y a simplement pas assez de terres émergées sur la planète. Et, bien sûr, l’élimination du carbone par les plantes ne serait ni permanente ni sur le long terme, si les arbres et plantes employés ne sont pas efficacement protégés des incendies et de l’exploitation forestière.

Pour utiliser la CDR afin de couvrir notre « dépassement de budget carbone » collectif, nous devons d’abord prouver qu’une quantité suffisante de CO2 sera réellement éliminée de façon permanente de l’atmosphère. Établir cette preuve nécessiterait des méthodes fiables pour mesurer le CO2, faire remonter l’information, puis vérifier les résultats. Or, aucune de ces méthodes n’existe à ce jour.

Finalement, compter sur la CDR pour résoudre notre problème climatique, c’est faire un pari risqué sur un résultat futur qui reste encore vague. Pour faire simple, ces solutions technologiques ne seront pas prêtes à temps pour nous éviter de dépasser la limite d’augmentation de température fixée. Si nous optons aujourd’hui pour des politiques qui se fondent sur ces technologies, et qu’elles ne fonctionnent pas comme nous le souhaiterions, nous aurons manqué l’opportunité que nous possédons actuellement d’empêcher les émissions d’atteindre l’atmosphère en premier lieu. Or, nous ne pourrons alors plus revenir en arrière pour faire un autre choix.

Mais alors, à quoi la CDR peut-elle servir ?

Selon le GIEC, la CDR peut nous permettre de compenser les émissions résiduelles des secteurs intensifs en carbone, comme l’aviation ou les processus de l’industrie lourde. Dans ces secteurs, le coût d’une décarbonation totale peut s’avérer prohibitif. Elle pourrait également prendre trop de temps, car les technologies nécessaires ne sont pas encore disponibles à grande échelle. Pour éviter les conséquences climatiques des émissions dans ces secteurs, la CDR peut être une solution de compensation : elle éliminera du CO2 de l’atmosphère.

L’élimination du dioxyde de carbone au cours des prochaines décennies sera certainement limitée, bien loin des niveaux nécessaires pour contrebalancer la quantité d’émissions annuelles qu’il faudrait pour ne pas dépasser les limites de réchauffement. C’est pourquoi le GIEC indique que la capacité limitée de la CDR ne peut servir qu’à couvrir les secteurs d’activité intensifs en carbone. Elle ne constitue en aucun cas une solution miracle à toutes nos émissions. Le dernier rapport du GIEC a même restreint le rôle de la CDR dans ses suggestions d’orientation économique, par rapport à ses scénarios antérieurs, pour parvenir aux objectifs de l’Accord de Paris. Le message est clair : notre action doit se focaliser sur la réduction de nos émissions.

Ressources utiles

  • At an event during COP27 in Egypt, IPCC authors speak about CDR and how it is featured in the Working Group 3 report
  • The first of its kind State of Carbon Dioxide Removal Report, released in early 2023, looks at the state of CDR globally
  • A glossary of CDR terminology from the American University
  • Another explainer on how CDR works from the American University

Qu’est-ce qu’un budget carbone ?

Qu’est-ce qu’un budget carbone ?

Grâce à la science, nous connaissons le danger des conséquences de différents niveaux de réchauffement pour les êtres humains et les autres formes de vie terrestres. Ce sont des issues possibles, mais nous pouvons modifier notre trajectoire.

Les objectifs de l’Accord de Paris de 2015 ont été formulés à partir des implications d’un réchauffement de 1,5 °C et 2°C pour les êtres humains et les autres espèces. Ils définissent des limites relativement « sûres » : des dommages irréversibles, mais pas catastrophiques, se produiront. D’après les rapports du GIEC et d’autres travaux de recherche, si nous limitons l’augmentation de la température moyenne mondiale au 21e siècle bien en dessous de 2°C, nous pourrons éviter les conséquences les plus dangereuses du changement climatique. Si nous y parvenons, nous aurons aussi des chances de pouvoir nous adapter et construire un avenir résilient et plus durable.

Toutefois, il n’existe pas de thermostat pour régler facilement la température de l’ensemble de la planète. À eux seuls, les objectifs de température ne sont pas suffisants pour orienter les politiques relatives au changement climatique. Le niveau de réchauffement auquel nous parviendrons dépendra d’un éventail de décisions complexes, prises par les gouvernements et les entreprises du monde entier au fil du temps. Au niveau national, régional ou local, ces prises de décisions seront efficaces, car elles définiront des objectifs politiques et inciteront au changement, en contrôlant les émissions de gaz à effet de serre (GES), et non la température.

Pour traduire la température en émissions, et donc rendre les objectifs de l’Accord de Paris concrets et réalisables, les scientifiques emploient des « budgets carbone ». À bien des égards, ils fonctionnent comme un budget financier : les dépenses totales, c’est-à-dire la quantité de gaz à effet de serre que nous pouvons émettre, sont plafonnées pour rester dans la « zone de sécurité » et ne pas contracter de dettes, qui s’appliqueront ici aux générations futures. Mais ils sont aussi très différents. Un simple coup d’œil à ses comptes en banque et ses revenus suffit souvent à estimer des limites pour ses dépenses personnelles. Pour les budgets carbone, les scientifiques doivent également calculer la quantité totale d’émissions de gaz à effet de serre compatible avec différents niveaux de réchauffement.

Grâce à ces calculs, les budgets carbone peuvent nous montrer plusieurs choses : comment nous nous en sortons (le budget historique), combien de temps nous pouvons encore nous permettre de « dépenser » aux niveaux actuels (le budget restant) et à quoi ressemblerait une allocation juste et équitable si nous partagions le budget total entre pays.

Qu’est-ce qu’un budget carbone ?

Dans votre budget personnel, vous ne pouvez déterminer le montant final, l’argent dont vous disposez sans risquer de tomber dans le rouge, qu’à condition de connaître précisément vos revenus et dépenses. Pour établir un budget carbone, les scientifiques commencent aussi par identifier les sources du dioxyde de carbone rejeté dans l’atmosphère et les puits capables de l’y capturer (les forêts et les océans, par exemple). Les progrès des sciences du climat et de la Terre nous permettent d’établir le solde du cycle du carbone dans la nature, puis d’ajouter une nouvelle source : les émissions issues de l’activité humaine.

Dans un budget financier personnel, il est souvent important de ne pas passer en dessous de zéro. Vous évitez ainsi de ne pas pouvoir payer quelque chose ou de souscrire des prêts coûteux. Dans le système climatique, la quantité de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, dont on mesure la concentration en parties par million (ppm), crée un « effet de serre », responsable du niveau de la température moyenne mondiale. C’est ce niveau de température qui nous préoccupe, car dépasser la limite de 2°C de l’Accord de Paris s’accompagnerait de conséquences jugées inacceptables par les pays signataires.

Pour équilibrer votre budget personnel, vous pouvez réduire certaines dépenses, essayer de gagner plus ou contracter un prêt. Vous utiliserez alors une partie de vos futurs revenus pour rembourser le prêt et les intérêts. Pour équilibrer un budget carbone, nous pouvons aussi « réduire les dépenses » en trouvant comment nous adapter aux conséquences du réchauffement planétaire, mais les possibilités sont plutôt limitées. Nous ne pouvons bien entendu pas essayer d’obtenir de la calotte glaciaire du Groenland qu’elle fonde moins, par exemple. Pour un budget carbone, « gagner plus » se traduit par une importante réduction des émissions grâce aux énergies renouvelables, à l’efficacité énergétique, ou d’autres mesures. Le fait de « contracter un prêt » signifie transférer la responsabilité aux générations futures. Elles devront agir de manière plus agressive, pour réduire les émissions, mais aussi pour parvenir à des niveaux négatifs en réussissant à capturer plus de gaz à effet de serre qu’elles n’émettent.

Enfin, un budget financier peut inclure des revenus et des dépenses dans diverses devises. Comme il est impossible de les ajouter ou soustraire directement, nous devons les convertir en une même devise pour pouvoir les comparer. De la même façon, des budgets sont calculés pour chaque gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Pour les comparer, ils sont ensuite « convertis » en unités d’équivalent dioxyde de carbone (Co2e), le CO2 étant le gaz à effet de serre que nous émettons le plus.

Matjaz Krivic / Climate Visuals Countdown

Alors, de quel budget carbone disposons-nous ?

Le suivi le plus connu de notre budget carbone provient du Global Carbon Project , un projet de recherche international au sein de l’initiative de Future Earth sur la durabilité mondiale et un partenaire du Programme mondial de recherche sur le climat. En 2022, plus de 100 chercheurs ont élaboré ensemble la 17e édition du budget CO2.

D’abord, le budget du Global Carbon Project décrit les tendances des émissions mondiales de CO2 issues de la consommation d’énergie et de l’emploi des terres. Par exemple, en 2022, les émissions de carbone fossile ont continué d’augmenter pour atteindre 36,6 milliards de tonnes de CO2, soit 1 % de plus que l’année d’avant. Légèrement supérieur au pic précédent d’avant pandémie de 2019, ce chiffre est loin de nous rapprocher des objectifs de l’Accord de Paris. Si nous voulons atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, une réduction rapide, plutôt de l’ordre de 1,4 gigatonne de CO2 par an, s’avère nécessaire.

Le budget carbone mondial nous renseigne aussi sur la quantité que nous pouvons émettre tout en restant dans la bonne voie pour un réchauffement de 1,5°C, 1,7°C ou 2°C : respectivement, 380, 730 et 1 230 milliards de tonnes de CO2. Pour rendre ces chiffres plus concrets, les scientifiques les présentent souvent comme des années « à faire la même chose que l’année passée ». D’après nos niveaux d’émissions de 2022, il nous reste neuf ans avant de mordre la limite de 1,5°C, et seulement 18 et 30 ans avant de dépasser les limites supérieures.

Ressources utiles

  • Le budget carbone pour les nuls, une explication de l’un des chercheurs du Global Carbon Project au CICERO.
  • Le forum économique mondial propose une analyse encore plus approfondie des budgets carbone.
  • L’horloge carbone du MMC, qui représente le budget carbone sous la forme d’un compte à rebours indiquant la quantité de CO2 pouvant être rejetée dans l’atmosphère jusqu’à ce que les limites de sécurité soient atteintes.
  • Une vidéo d’explication de trois minutes sur les budgets carbone de la Carbon Tracker Initiative.

Relation entre ressources alimentaires et changement climatique

Relation entre ressources alimentaires et changement climatique

Des champs et fermes à nos tables et poubelles, le système alimentaire mondial subvient aux besoins de plus d’un milliard de personnes.

Selon le rapport de 2019 du GIEC sur le changement climatique et les terres émergées, l’approvisionnement en nourriture par habitant a augmenté de plus de 30 % depuis 1961, tandis que l’ensemble du système alimentaire produit bien plus de calories qu’il n’est nécessaire pour nourrir la planète. Néanmoins, les dernières données de l’ONU indiquent que 828 millions de personnes souffraient encore de la faim en 2021, dont 45 millions d’enfants de moins de cinq ans atteints de marasme : la forme la plus mortelle de malnutrition.

Les conflits, les chocs économiques et les inégalités croissantes exercent de plus en plus de pression sur notre système alimentaire. Or, la menace du changement climatique vient la renforcer. Par exemple, selon les conclusions les plus récentes du GIEC sur les conséquences et l’adaptation, le changement climatique freine déjà la croissance de la productivité et réduit les stocks de poissons. Comme nous dépendons d’une poignée de cultures dominées par quelques entreprises, le risque des pénuries internationales de denrées et des pics de prix s’accentue ; notre système étant en effet caractérisé par une interconnexion élevée et une résistance faible. Selon les prévisions, tout réchauffement supplémentaire, conséquence des émissions de gaz à effet de serre actuelles et futures, devrait avoir un effet négatif sur la production de denrées. Les modèles d’agriculture actuels ne pourront plus fonctionner dans une grande partie du monde.

Le rapport du GIEC prévoit que 8 à 80 millions de personnes supplémentaires soient susceptibles de connaître la famine d’ici 2050 en fonction du niveau de réchauffement. Parmi les plus touchés figurent les habitants d’Afrique subsaharienne, d’Asie du Sud et d’Amérique centrale. Dans ces régions, les petits et moyens producteurs jouent un rôle clé en matière de sécurité alimentaire mondiale, car les ménages ruraux des pays aux niveaux de revenus faibles à intermédiaires produisent la moitié des céréales du monde et la majorité des fruits et légumes. Or, ils ne disposent déjà pas de ressources suffisantes pour couvrir les pertes dues aux sécheresses et à d’autres phénomènes d’origine climatique, qui devraient encore s’aggraver, ou s’adapter aux conditions plus difficiles.

De plus, si les émissions de gaz à effet de serre restent élevées, jusqu’à 30 % des zones de culture et d’élevage ne pourront plus être employés pour la production alimentaire d’ici la fin du siècle, d’après le rapport. À l’inverse, si nous réduisons rapidement nos émissions, nous perdrons moins de 8 % de ces terres agricoles. L’Asie du Sud, l’Asie du Sud-Est, certaines régions de l’Australie, la région du Sahel en Afrique et les zones adjacentes au bassin amazonien en Amérique du Sud présentent la vulnérabilité la plus forte.

Il n’est tout simplement pas possible de nous adapter à ces évolutions défavorables quand elles surviendront ou de les éviter en prenant dès maintenant des mesures d’adaptation. Toutefois, la réduction de nos émissions ainsi que la diversification de nos systèmes de production alimentaire et chaînes d’approvisionnement atténueront les risques : les systèmes alimentaires mondiaux seront à la fois plus résilients et moins sujets aux phénomènes météorologiques extrêmes.

En outre, la transition vers des systèmes alimentaires plus écologiques et favorables au climat, à la fois du côté de l’offre et de la demande, réduira déjà à elle seule le réchauffement. En effet, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), en 2021, les systèmes alimentaires mondiaux étaient responsables de plus d’un tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre issues de l’activité humaine.

Qu’adviendra-t-il des denrées de base ?

Dhana Kencana / Climate Visuals

Depuis 60 ans, les récoltes sont de plus en plus importantes, mais le changement climatique a déjà réduit cette croissance de 21 % à cause des températures plus élevées, des phénomènes météorologiques extrêmes plus fréquents et plus puissants, mais aussi des modification des populations de nuisibles et de la dégradation des sols. Au cours du siècle actuel, les récoltes pourraient même diminuer de 3,3 % par décennie pour certaines cultures, dont le maïs, le soja, le riz et le blé, en fonction des régions et des variétés. Et, bien qu’un taux plus élevé de dioxyde de carbone dans l’atmosphère puisse éventuellement stimuler les cultures, cet effet ne compensera pas le revers de la médaille… Des niveaux de CO2 plus importants réduisent aussi les niveaux de nutriments et de vitamines des cultures. Elles deviennent moins nutritives, ce qui peut affecter la pollinisation et la reproduction.

Le réchauffement d’origine humaine accentuera les risques de défauts de production simultanés des cultures clés de pays importants. Le système alimentaire sera alors soumis à un effet domino. Des modèles climatiques à grande échelle unissent les récoltes de différentes régions du monde : par exemple, El Niño et La Niña, les phases de réchauffement et de refroidissement des variations périodiques des températures des vents et de la surface de la mer à l’est de l’océan Pacifique tropical. Toute modification de ces modèles due au changement climatique peut agir simultanément sur les cultures mondiales. En fait, les données suggèrent que le risque de défaut simultané des cultures a déjà augmenté pour le blé, le soja et le maïs par rapport à la période 1967-1990. Selon les prévisions, ces risques devraient connaître une augmentation drastique au fur et à mesure de l’intensification du réchauffement, tout comme la probabilité de perturbation de l’approvisionnement mondial en nourriture. Le changement climatique, et l’augmentation de la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes à l’échelle mondiale qu’il entraîne, constitue une menace majeure pour les chaînes d’approvisionnement en nourriture.

Si la température moyenne mondiale augmente de plus de 2°C, nous ne pourrons pas préserver nos niveaux de récolte en nous adaptant, et ce, quels que soient les montants investis dans les mesures d’adaptation. Cela dit, l’adaptation est effectivement nécessaire. En combinant son coût à celui des pertes issues du réchauffement, la facture totale se chiffrerait à 63 milliards de dollars pour 1,5 °CPour 3° C, elle atteindrait 128 milliards de dollars .C de réchauffement. Or, si nous voulons faire des économies, des solutions existent. Outre une réduction des émissions rapide dans tous les secteurs, nous devons concentrer nos efforts sur l’agriculture industrielle : elle est intensive en eau et en énergie, emploie beaucoup d’engrais et se fonde sur la monoculture. Il est possible et nécessaire de la transformer afin d’adopter une approche plus diversifiée et durable.

Qu’en est-il de l’élevage ?

Robert Benson / Aurora Photos

L’élevage intensif de bovins et de volailles contribue largement au changement climatique dû à l’activité humaine, à cause de ses émissions de gaz à effet de serre, mais aussi de l’ampleur des terres agricoles dédiées à l’alimentation animale. Il est souvent nécessaire de raser des bois afin de créer des pâtures pour l’élevage de bovins. La viande et les produits laitiers sont donc tout particulièrement intensifs en émissions : les arbres abattus ne capturent plus de dioxyde de carbone et le gaz qu’ils avaient stocké est rejeté dans l’atmosphère. Par ailleurs, quand les vaches digèrent, elles produisent du méthane, un gaz à effet de serre plus puissant que le CO2. Les engrais utilisés dans les champs dédiés à l’alimentation animale produisent quant à eux des émissions de protoxyde d’azote supplémentaires. En abordant la problématique par un autre angle, le réchauffement dû à l’activité humaine s’avère aussi néfaste aux animaux de la ferme, car les températures plus élevées nuisent à leur santé, leur croissance et leur production.

Les rapports du GIEC proposent plusieurs manières de répondre à ce problème. Du côté de l’offre, mieux gérer les pâturages, améliorer l’utilisation du fumier et augmenter la qualité de la nourriture constituent autant de solutions pour rendre l’élevage et la production alimentaire moins intensifs en carbone, et donc réduire sa contribution au changement climatique dû à l’activité humaine. Cependant, à terme, la demande doit adopter des régimes plus sains et durables, notamment dans les pays développés, en accordant plus d’importance aux protéines végétales et issues des produits de la mer.

Qu’en est-il de la pêche et des produits de la mer ?

Shibasish Saha / Climate Visuals

Le changement climatique s’accompagne de nombreuses répercussions sur les océans. Nous entendons souvent parler de l’augmentation des températures de surface, de l’acidification et de l’élévation du niveau des mers, mais nous pourrions aussi citer l’efflorescence algale, les faibles niveaux d’oxygène, la prolifération des parasites, les vagues de chaleur marines et d’autres phénomènes météorologiques extrêmes. À cause des conséquences du changement climatique que nous subissons déjà, la production des pêcheries a diminué de 4,1 % entre 1930 et 2010 à l’échelle mondiale ; certaines régions ont enregistré des pertes allant de 15 à 35 %. Déjà à l’origine de la disparition de pêcheries et d’aquacultures locales, les vagues de chaleur marines devraient notamment devenir 20 à 50 fois plus fréquentes d’ici la fin du siècle.

Les populations de poissons sont perturbées par les changements profonds qui affectent leur habitat. Cela a une incidence sur les zones de pêche traditionnelles et les prises potentielles dans les régions tropicales. Ces difficultés viennent s’ajouter à des pratiques déjà loin d’être durables : surpêche généralisée, utilisation de filets plastiques qui, ainsi que d’autres engins de pêche « fantôme » ou abandonnés, constituent la source de pollution marine la plus mortelle. Encore une fois, en abordant le problème d’une autre façon, l’aquaculture, ou « fermes marines », représente une source de plus en plus importante de poissons, fruits de mer et algues. Or, elle n’est pas épargnée par les conséquences du changement climatique.

Ressources utiles

  • Food and Agriculture Organization of the United Nations (FAO) presents its 2022 State of Food Security and Nutrition in the World in a five-minute video.
  • Environmental impacts of food production from Our World in Data.
  • A 24-minute episode of Radio Davos, a podcast from the World Economic Forum, titled ‘COP26: Feed the world without destroying the climate’.

Changement climatique et biodiversité

Changement climatique et biodiversité

Le changement climatique et la perte de biodiversité figurent parmi les plus importants défis auxquels nous sommes confrontés, et ils interagissent de bien des façons.

Bien que la vie sur Terre ait toujours été caractérisée par le changement du climat, la stabilité relative des derniers millénaires a créé des conditions favorables pour la faune, la flore et les civilisations humaines. Les plantes et les animaux se sont largement adaptés à des températures spécifiques et à la disponibilité de l’eau. Or, comme ces conditions évoluent rapidement à cause du réchauffement, nombre d’espèces ne seront pas en mesure de s’adapter à temps. Certaines espèces, en particulier celles des régions polaires et montagneuses, n’ont aucune possibilité d’échapper à la montée des températures et risquent de disparaître. De plus, la modification des signaux climatiques, le printemps qui arrive en avance par exemple, perturbe les activités saisonnières, comme la floraison ou la reproduction. Ces perturbations s’accompagnent elles-mêmes de répercussions sur la chaîne alimentaire et les écosystèmes.

Les feux de forêt, les vagues de chaleur et d’autres phénomènes météorologiques extrêmes détruisent des écosystèmes tout entiers, que ce soit sur terre ou en mer. L’intensité et la fréquence de ces phénomènes ne cessent de s’amplifier, et il devient de plus en plus difficile de s’en remettre. La tension induite par le changement climatique, aussi importante que chronique, ne fait qu’aggraver d’autres risques, notamment issus de l’abattage de forêts, de la pollution de l’air, de l’eau et des sols, de la chasse et de la pêche excessives ou de la prolifération des espèces invasives.

La nature a par ailleurs toujours joué un rôle essentiel lorsqu’il s’agit de réduire la pression sur le climat mondial d’origine humaine. Plus de la moitié de toutes les émissions de CO2 issues de notre activité est capturée par les plantes grâce à la photosynthèse. Elles sont ensuite temporairement stockées dans la biomasse vivante et morte, ou dissoutes dans l’océan. Les organismes vivants influencent aussi les paramètres physiques du système climatique, comme la réflectivité des surfaces ou la formation des nuages et de la poussière dans l’atmosphère.

La présence d’écosystèmes variés et en bonne santé peut donc nous aider à survivre aux conséquences climatiques comme les phénomènes météorologiques extrêmes. Par exemple, quand elles sont intactes, les forêts retiennent l’eau de pluie et réduisent l’ampleur des dommages provoqués par les inondations. Les zones humides côtières, quant à elles, préviennent l’érosion et les inondations engendrées par l’élévation du niveau de la mer. Les écosystèmes peuvent aussi nous aider à nous adapter à l’évolution du climat, à subvenir à nos besoins et créer des solutions durables pour l’alimentation et l’énergie de chaque communauté.

Malgré toute son importance, protéger la biodiversité contre le changement climatique ne se résume pas qu’à préserver de magnifiques êtres vivants. Sans les récifs coralliens, aujourd’hui menacés par des vagues de chaleur marines de plus en plus fréquentes, un grand nombre de pêcheurs ne pourront plus vivre de leur travail. Les forêts détiennent une valeur économique et culturelle pour de multiples communautés locales. De plus, le réchauffement et la dégradation environnementale actuels nuisent gravement à la capacité de stockage du carbone des écosystèmes naturels. Tout risque donc d’aller de mal en pis, car la probabilité d’apparition de boucles de rétroaction s’accroît.

Le GIEC et l’IPBES (la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques) ont conclu que la perte de biodiversité et le changement climatique sont des menaces indissociables, auxquelles l’humanité doit formuler une réponse commune. Si nous échouons, nous subirons des pertes et dommages irréversibles. Mais si nous réussissons, les bienfaits sur notre santé et notre qualité de vie seront palpables.

Quelles sont les conséquences du réchauffement projeté pour la biodiversité ?

Le rapport de 2022 du Groupe de travail II du GIEC sur les conséquences et l’adaptation détaille précisément ce qui arrivera aux plantes, aux animaux et aux écosystèmes entiers selon différents scénarios de réchauffement. Par exemple, les écosystèmes marins et côtiers, comme les forêts de varech ou les prairies sous-marines, subiront des dommages irréversibles, voire seront détruits, si la hausse des températures dépasse le seuil de 1,5°C. 70 à 90 % des récifs coralliens risquent de disparaître à ce niveau de réchauffement. À 2°C ce chiffre passe à 99%. Pour la plupart d’entre eux, les efforts de conservation resteront vains au-delà de 1,5°C de réchauffement. En dehors de l’augmentation de la température moyenne, les écosystèmes océaniques et côtiers sont également menacés par les vagues de chaleur marines. Or, même si nous réussissons à limiter le réchauffement à 2°C celles-ci devraient être multipliées par 20.

Dhana Kencana / Climate Visuals

Combinées, les pressions exercées par le changement climatique et d’autres facteurs environnementaux multiplieront probablement la vitesse d’extinction naturelle des espèces végétales et animales par au moins 1 000, que ce soit sur terre ou en mer. Mais ce n’est pas encore gravé dans le marbre. Si nous réduisons nos émissions de gaz à effet de serre et que nous changeons notre trajectoire climatique, nous pourrons fortement ralentir leur extinction.

Au-delà de l’extinction d’espèces, le changement climatique peut déclencher, et déclenchera, des modifications fondamentales et irréversibles au sein des écosystèmes. Celles-ci auront à leur tour une incidence sur les conditions météorologiques locales et accéléreront le changement climatique. Nous observons déjà, par exemple, une évolution des biomes, des forêts tropicales à la savane. Selon les projections, ces transformations interviendront sur moins de 15 % des terres émergées si l’augmentation de température reste inférieure à 2°C. Néanmoins, si nous dépassons ce seuil et que l’augmentation de température se rapproche de 4°C, plus d’un tiers des terres émergées de notre planète seront concernées. Des modifications environnementales d’une telle ampleur entraîneront d’importantes répercussions sur les moyens de subsistance et le bien-être humains, mais aussi sur la biodiversité.

Quelles sont les conséquences des différentes solutions pour la biodiversité ?

D’après les conclusions du rapport du GIEC, face à l’augmentation de la température moyenne mondiale, les mesures conservatoires à elles seules ne suffiront pas à prévenir les pertes irréversibles, que ce soit sur terre ou dans l’océan. C’est d’autant plus vrai si cette augmentation dépasse 2°C. La restauration de la végétation native, par exemple, peut améliorer la résilience locale aux phénomènes extrêmes, comme les vagues de chaleur ou les inondations, et favoriser le stockage du carbone, mais elle ne constitue en aucun cas une alternative à l’action climatique. Pour protéger la Terre et la biodiversité dont nous dépendons, nous devons à la fois protéger les écosystèmes, en leur donnant une chance de s’adapter aux nouvelles conditions, et atténuer les risques issus du changement climatique. C’est possible si nous réduisons nos émissions de gaz à effet de serre.

 

Toutefois, pour ce faire, certaines solutions dont nous disposons pour transformer nos systèmes alimentaires et énergétiques soulèvent elles aussi des préoccupations en matière de biodiversité. La bioénergie avec captage et stockage du carbone (BECCS), par exemple, suppose la plantation de monocultures pour la production de biocarburants, puis le captage et le stockage des émissions de CO2 issues de leur combustion avant qu’elles n’atteignent l’atmosphère. Cette alternative aux énergies fossiles suscite de l’intérêt, mais elle implique l’utilisation de grandes étendues de terre, ce qui l’oppose à la protection de la nature et risque d’interférer avec les écosystèmes naturels. De même, la plantation d’arbres pour capturer le carbone ne constitue pas un remède miracle au changement climatique. Cet outil suppose une analyse attentive des risques sous-jacents et une gouvernance adéquate pour garantir qu’elle se fonde sur des preuves scientifiques et qu’elle prend en compte les communautés localement concernées par son utilisation.

Quelles sont les actions entreprises pour résoudre la crise de la biodiversité ?

Dans le cadre du changement climatique, les risques pour la biodiversité font l’objet de nombreux débats, mais ce défi se situe aussi au cœur des actions d’une autre branche de la communauté internationale. La Convention sur la diversité biologique (CDB), entrée en vigueur fin 1993, vise à la protection de la diversité biologique et à l’utilisation durable de ses composants, d’après un partage juste et équitable. La dernière Conférence des parties à la Convention (CDB COP15) a eu lieu au Canada fin 2022. Elle s’est conclue par un accord historique visant à stopper et inverser la perte de biodiversité d’ici 2030. Ce pacte comprend une série de mesures pour tenir les gouvernements responsables en cas de manquement à leurs engagements.

Ashden / Ashden

En 2012, pour évaluer et résumer les preuves scientifiques sur cette problématique, les gouvernements ont aussi fondé l’IPBES, une organisation intergouvernementale de politique et de recherche sur la biodiversité. Forte de 140 États membres, elle évalue l’état de la biodiversité et les contributions offertes par la nature aux humains au sein de différents rapports thématiques écrits et relus par des centaines de scientifiques du monde entier à titre bénévole. Les deux derniers rapports de l’été 2022 traitent de l’exploitation durable des espèces sauvages et des différentes façons dont les peuples apprécient la nature. Les rapports de l’IPBES concluent par exemple que nombre d’espèces sauvages dont l’humanité dépend pour se nourrir, se chauffer, cuisiner ou obtenir des revenus sont sur le déclin et que le changement climatique risque d’accentuer cette tendance. Cependant, il indique aussi que répondre à ces problèmes en utilisant des pratiques plus durables participera à l’atténuation des conséquences climatiques.

Ressources utiles

  • Sir David Attenborough explique pourquoi la biodiversité est importante dans une vidéo de 5 minutes de la Royal Society.
  • Un explicatif de Carbon Brief sur la question de savoir si le changement climatique et la perte de biodiversité peuvent être traités ensemble.

À quoi ressemble le changement climatique ?

À quoi ressemble le changement climatique ?

L’augmentation de la température mondiale montre bien le changement climatique rapide qui se joue actuellement, mais d’autres signes existent.

Comme le fait remarquer le GIEC dans son dernier rapport sur les bases scientifiques physiques du changement climatique, il est « sans équivoque que l’influence humaine a réchauffé l’atmosphère, l’océan et les terres », alors que d’autres changements généralisés et rapides se sont également produits. Les scientifiques peuvent, avec plus ou moins de certitude, établir des liens entre l’activité humaine et les changements qui affectent les précipitations, la circulation atmosphérique mondiale et la salinité près de la surface des océans, sans compter le recul des glaciers à l’échelle mondiale depuis les années 1990, la fonte de la surface de la calotte glaciaire du Groenland et la diminution de la couverture de glace de mer de l’océan Arctique, en particulier l’été.

Dans les océans, les émissions de CO2 d’origine humaine ont favorisé le réchauffement et l’acidification croissante des eaux de surface, mais aussi l’élévation moyenne du niveau de la mer à l’échelle mondiale. Les activités humaines pourraient également avoir contribué à la chute des niveaux d’oxygène des couches supérieures de différentes parties des océans depuis 1950. De plus, d’après le GIEC, les modifications observées dans la biosphère des terres émergées depuis 1970 sont cohérentes avec le changement climatique. En effet, les zones climatiques, aux conditions météorologiques observables sur le long terme, se déplacent vers les pôles dans les deux hémisphères. Depuis les années 1950, la saison de croissance de la végétation s’est allongée en moyenne de deux jours par décennie dans l’hémisphère nord.

Tous ces changements sont observés et signalés par les scientifiques du monde entier. [attribution science] Ils utilisent ensuite la science de l’attribution pour examiner les liens entre un événement spécifique et l’ensemble du modèle de l’influence humaine sur le climat. Après avoir analysé cette littérature, le GIEC peint un tableau complet du changement climatique, où l’augmentation des températures n’est pas le seul facteur.

Tous ces changements de grande échelle qui affectent les paramètres physiques de base de l’atmosphère, de l’océan et des terres émergées, d’une façon différente d’une région à l’autre, provoquent des effets en cascade. Les conditions météorologiques et les écosystèmes évoluent légèrement, ce qui potentiellement menace les êtres humains et les autres êtres vivants. Les conditions, notamment géographiques et socioéconomiques, des communautés expliquent leur degré d’exposition et de vulnérabilité à ces dangers et leurs répercussions négatives. L’association des dangers, de l’exposition et de la vulnérabilité produit le concept de risque climatique. Le GIEC l’utilise dans son rapport sur les conséquences et l’adaptation comme cadre pour comprendre les « conséquences de plus en plus graves, interconnectées et souvent irréversibles du changement climatique sur les écosystèmes, la biodiversité et les systèmes humains ».

Bien que le Groupe de travail I du GIEC décrive les bases scientifiques physiques du changement climatique en termes de moyennes mondiales, en pratique, personne sur Terre ne les ressent directement : toutes les conséquences du changement climatique sont locales et régionales. C’est pourquoi le rapport du Groupe de travail II sur les conséquences et l’adaptation présente une évaluation détaillée de l’Afrique, l’Asie, l’Australasie, l’Amérique centrale et du Sud, l’Europe et l’Amérique du Nord, et de petites îles du monde entier. Y figurent aussi plusieurs articles transversaux sur les régions dont l’adaptation est particulièrement importante pour des raisons qui leur sont propres : par exemple, les régions montagneuses et polaires, les déserts, les villes côtières ou les forêts tropicales et « points chauds » de biodiversité.

Le rapport du Groupe de travail I comprend un outil interactif qui reprend les observations et projections relatives au changement climatique dans le temps et l’espace. Le rapport du Groupe de travail II propose également une analyse détaillée de l’histoire des conséquences climatiques et de l’adaptation, relatée par ses résumés à l’intention des décideurs. Nous allons ici laisser de côté les températures pour nous intéresser aux autres signes caractéristiques du changement climatique et à leurs effets sur les populations.

Quels sont les effets du changement climatique sur les glaciers, le pergélisol et les calottes glaciaires ?

L’Arctique et l’Antarctique, ainsi que de vastes étendues de pergélisol et de glaciers montagneux, forment la cryosphère : la neige et la glace de notre planète. Ces régions les plus froides du monde sont tout particulièrement vulnérables au changement climatique et ses conséquences. La cryosphère constitue donc un indicateur plutôt sensible de ces processus. Voilà pourquoi le GIEC a publié son rapport spécial L’océan et la cryosphère dans le contexte du changement climatique (SROCC) en 2019.

La conséquence la plus visible du changement climatique sur la cryosphère est son recul rapide. Ces dernières décennies, le réchauffement planétaire a entraîné une perte de masse pour les calottes glaciaires et glaciers. L’Arctique a quant à lui perdu de la banquise : elle devient plus fine et plus « jeune », car les couches de glace les plus anciennes fondent. De plus, les températures du pergélisol augmentent progressivement. Au niveau local, le dégel qui en résulte endommage des infrastructures et expose les populations à des maladies dangereuses comme la maladie du charbon. Le recul des glaciers s’accompagne également de conséquences pour les êtres humains, car nombre de communautés des régions montagneuses en dépendent pour s’approvisionner en eau potable.

Le réchauffement de la cryosphère peut à son tour avoir des conséquences sur le système climatique, par effet de rétroaction. La neige et la glace possèdent un albédo (capacité de réflexion) plus élevé que le sol nu. Le manteau neigeux, quant à lui, isole le sol, et donc prévient son réchauffement. Aussi, au fur et à mesure de la disparition de la neige et de la glace, et de l’assombrissement des surfaces, le réchauffement s’accentue. Plus important encore, le pergélisol renferme davantage de dioxyde de carbone que l’atmosphère actuellement. Avec l’augmentation des températures et la fonte des sols gelés, il pourrait se transformer en source majeure de méthane et de dioxyde de carbone.

Comment le changement climatique affecte-t-il les zones côtières ?

Dhana Kencana / Climate Visuals

Parmi les conséquences du changement climatique sur les zones côtières, leurs écosystèmes et leurs populations humaines, figurent des événements à évolution lente, comme l’élévation du niveau de la mer ou l’acidification des océans, mais aussi l’augmentation des tempêtes dévastatrices. D’après le GIEC, le niveau moyen de la mer à l’échelle mondiale a augmenté d’environ 20 centimètres entre 1901 et 2018. Dans certaines régions, l’élévation du niveau de la mer relatif peut être supérieure à la moyenne mondiale à cause de l’intervention d’autres facteurs, comme la tectonique des plaques ou l’exploration pétrolière.

Nous constatons déjà la perte d’habitats côtiers à cause de l’érosion des sols, d’inondations permanentes et de l’intrusion d’eau salée. Elle entraîne des répercussions bien au-delà des côtes pour la biodiversité, les moyens de subsistance humains, la circulation océanique et les cycles biogéochimiques. De plus, puisque les écosystèmes côtiers constituent d’importants puits de carbone, qui capturent et stockent le dioxyde de carbone contenu dans l’atmosphère, leur dégradation est susceptible de renforcer la pression sur le climat exercée par l’activité humaine.

Comme souvent, le changement climatique aggrave les types de problèmes auxquels les zones côtières sont déjà confrontées : la pression croissante liée à l’urbanisation et l’activité économique, par exemple. Ces menaces climatiques et non climatiques peuvent se renforcer les unes les autres, et donc accroître la vulnérabilité des systèmes humains et naturels. C’est un phénomène tout particulièrement important au vu des données de l’ONU : 40 % de la population mondiale vit à moins de 100 kilomètres de la côte.

Comment le changement climatique affecte-t-il les villes ?

Ashden / Ashden

Plus de la moitié de la population mondiale vit désormais en zone urbaine. L’ONU prévoit d’ailleurs que ce chiffre atteigne 5 milliards d’ici 2030. Ainsi, les villes et leurs habitants sont exposés à nombre de risques climatiques actuels et futurs. Certaines conséquences, comme les phénomènes météorologiques extrêmes, peuvent endommager des infrastructures vitales, des logements et les services de base, accentuant par le fait la vulnérabilité des populations urbaines à ces événements.

Les îlots de chaleur urbains constituent un exemple emblématique des interactions entre changement climatique et développement urbain. Les grandes villes, caractérisées par une végétation rare, une densité de population élevée et la présence de béton et d’asphalte dans les bâtiments et routes, présentent généralement des températures de l’air plus élevées que les zones environnantes. Ainsi, les vagues de chaleur, dont la fréquence et l’intensité s’accentuent avec le changement climatique, sont bien plus difficiles à supporter et survivre dans les environnements urbains.

Or, de nombreuses possibilités s’offrent aux villes pour résoudre ces problèmes. Selon les calculs calculs du WWA. les villes sont responsables de 75 % des émissions de CO2 mondiales, les transports et les bâtiments y contribuant le plus. Ainsi, l’amélioration de l’efficacité énergétique, le développement des transports publics et la réponse aux problématiques environnementales dans les zones urbaines auraient à la fois un effet positif sur le bien-être, mais participeraient aussi grandement à la lutte contre le changement climatique.

Pour analyser ces conséquences et possibilités, le GIEC a l’intention de rédiger un Rapport spécial sur le changement climatique et les villes lors de son septième cycle d’évaluation. Il débutera en juillet 2023 et durera cinq à sept ans.